Ta tête tourne, ta vision est trouble, tes sens se confondent. Les gens dansent autour de toi. Ton esprit s'en va, il s'évade. Toi tu te fonds dans la masse, tu fais comme tout le monde. Pendant que la douce substance brunâtre prend possession de ton corps, tu penses. C'est vrai que tu devrais pas être là, mais il faut remonter beaucoup plus loin pour comprendre tout ça. Il y a bien longtemps que t'es parents ont subi un mariage arrangé. Non, non t'es pas pleines aux as, sur cinq enfants, y en aura maximum deux qui deviendront des gens sérieux. Parce que quand on regarde ta soeur aînée c'est pas non plus un modèle et puis de toute façon, t'es la petite dernière alors t'étais celle à qui on a un peu bâclé l'éducation puisque les méthodes normales n'avaient pas fait effet sur les quatre autres. Alors toi t'as grandis comme une gosse des rues. Toujours à traîner, à jouer dans la poussière. C'est pour ça que tu sais te battre, parce que les bagarres dans les rues, y en a tous les jours. Au début, tu dealais pas. Pas à 12 ans quoi. Tu consommais même pas. T'as toujours trouvé ça dégueulasse. Alors que la façon dont les gens consomment est assez fascinante. On pourrait les classer : Les riches qui font ça pour claquer leur blé, les junkies qui font ça pour vivre, les gamins qui font ça pour avoir l'air cool. T'aime observer et classer les choses. C'est comme ça, tu parles pas beaucoup, mais t'observes. Tu sais exactement qui sont tes amis, qui sont les gens qui sont avec toi seulement pour que tu leur donnes ce dont ils ont besoin, ceux-ci sont trop nombreux. Tu faisais toujours attention à rentrer bien sobre chez toi, au cas où subitement tes parents décideraient de s'occuper de toi. Et puis un soir, t'es pas rentrée toute seule, un mec que t'avais plaqué avait mis un truc pas net dans ton verre. Tu t'es assise sur le trottoir en riant. Et les mecs en bleus ont passé, ils t'ont ramené chez toi.T'as dormis. Au moins quatre jours. Et puis quand tu t'es réveillé c'était plus pareil. Ta chambre était vide et tes valises prêtes. Ils t'ont laissé dix minutes pour t'habiller et ils ont ouvert la porte. Puis plus rien, t'avais plus rien. Tu savais même pas où étaient les quatre autres. T'as appelé ta frangine. Elle t'as juste dit un mot « Burano ».

   Ici, c'est vraiment spécial. Au début t'étais seule. T'as eu des mecs, en fait t'en as eu qu'un. Et puis un soir tu l'as croisé, il était défoncé, t'étais défoncé. Vous vous êtes retrouvés. C'était beau, c'était puissant. Il l'a regretté, pas toi. Tu lui as menti, t'a dit qu'après lui, plein d'autre y sont passés. Mais c'est pas vrai. Y a eu que lui. Et quand t'es pas bien, il revient. Ici, on utilise pas la même chose pour tenir le coup. Ici, c'est dans un pot, ça se vend plus cher, ça se vend plus, c'est plus drôle. Toi tu t'ai même fait un nom là dedans. Tu te caches pas trop. Ta frangine est contre, les personnes qui veulent ton bien essaie de te faire croire que c'est mauvais pour toi. Mais c'est ton boulot, c'est ton gagne pain. Toi t'as que ça, t'as rencontré beaucoup de gens grâce à ça. Alors tu veux pas arrêter. Tu consommes pas, mais ce boulot c'est ta drogue. Ce boulot, c'est ce qui te permet de garder ta vie sociale active. Tu fais plaisir aux gens, tu fais rien de mal bordel. Tu vois les gens heureux, ils voient le monde qu'il souhaitent. Et toi, voir les gens comme ça , c'est le monde dont tu rêves. Alors même si tu sors tous les soirs, même si tu cherches pas de boulots, même si t'es vraiment bizarre, même si tu parles pas beaucoup, même si tu mens tout le temps, t'es quand même quelqu'un de bien, quelqu'un de spécial.