Londres; On pourrait croire que cette ville est maussade, propice au spleen baudelairien et à l'ennui. Clichés. Cette ville est parfaite. Elle développe l'imagination, la créativité. Tout n'est que poésie. L'accent si séduisant et ses manières si parfaites que les anglais peuvent avoir. Tout est terriblement fascinant pour un étranger. La réalité peut être toute autre. T'es né là, certes. Tes parents ont toujours vécu là. Ton père faisait partie d'une petite famille modeste avec du sang purement irlandais. Encore heureux qu'il n'ait pas hérité de leur rousseur si caractéristique. Ta mère tu l'as pas franchement connue. L’accouchement qu'elle a subit n'était pas des plus agréables. Sa santé fragile n'a pas résisté à la poussée de vie à l'intérieur de ses entrailles. Vos peaux ne sont rentrées en contact que quelques instants réellement. Alors que ton cri déchirait le silence et les souffles de douleur d'une mère éreintée, ses yeux se fermaient lentement dans un ultime songe. La vie engendre la mort. L'équilibre "naturel" des choses. Ton père n'en a jamais parlé. Tu sais qu'elle était élégante et qu'elle aimait parler français à ton père qui, bourrin comme il était, ne comprenait rien et finissait par perdre patience. Il disait que c'était une grande dame venue comme lui d'une famille plus ou moins pauvre.

Si ton chagrin n'a jamais été très prononcé (du moins personne ne s'en apercevait. Pendant un moment tu écrivais des lettres à ta mère dans l'espoir d'avoir une réponse, les plaçant sagement sous ton matelas, espérant probablement qu'une âme passe et l'emporte à ta mère), celui de ton père était bien présent. Tu voyais dans ses traits son impatience et sa douleur. Finalement le temps effaça quelque peu les blessures, lui apportant un nouveau bonheur. Une nouvelle maman. Une nouvelle femme. Elle semblait faire renaître cette flamme éteinte chez ton père. Elle le ravivait. Et puis elle t'aimait bien, te traitant comme son propre fils si bien qu'elle devint réellement ta mère. Elle n'était rapidement plus une inconnue qui rendait uniquement à ton père son sourire effaçé par les blessures passées, mais c'était aussi celle qui s'occupait de toi, prenait soin de l'enfant rêveur que t'étais, alimentant ton imagination de comptes en tout genre.

Deux ans s'étaient écoulés après la mort de ta mère et il était remarié à cette femme. La famille finit par s’agrandir. Rapidement votre fratrie était parfaitement organisée. La famille de rêve que t'avais toujours voulu, au fond.

Burgana; Chaque nouvelle histoire a besoin d'un nouveau cadre de vie et c'est dans cette foutue ville que vous avez tous déménagés, six ans après la naissance du petit ange de ton père. Plus le temps passait, plus ce lien imperceptible entre ton demi-frère et toi se renforçait, devenant inébranlable. Inséparables. Vous ne pouviez vivre l'un sans l'autre. Il était l'équilibre de ta vie et toi tu tentais d'être la même chose de son côté. Il n'était jamais question de "demi", non, vous étiez du même sang. Vous étiez égos. Il s'est confié à toi un nombre incalculable de fois. T'as été le premier à savoir pour son homosexualité et puis pour Jules. Lui, il a été le seul à te voir évoluer, à te comprendre. Ado t'as toujours été l'enfant sage, l'enfant chouchouté. Tu étais trop fragile d'apparence. On prenait soin de toi. Toi, tu prenais soin de ton frère parce que c'était ce que tu voulais faire. C'est ce que tu devais faire. Pourtant l'amour dévastateur vous a séparé, comme il sait si bien faire. Ziggy se barrant, laissa une sorte de vide dans ta pauvre existence. Tout ça pour finalement retrouver un frère différent, bouleversé et plongé dans un univers que tu détestes. L'opposé de ce garçon que t'avais quitté plus tôt. Vous étiez opposés et toi, entêté, t'étais déterminé à lui rendre sa simplicité d'avant, à le faire sortir de toutes ses conneries malgré la froideur qu'il pouvait témoigner à ton égard. Qu'elle bonne âme.

Rapidement ta passion pour les arts s'est développée et tu t'y es plongé complètement. T'as jamais vraiment été entouré de beaucoup de gens. Tu n'aimes pas leur compagnie. Tu n'as pas l'impression qu'ils te comprennent ou même qu'ils pourraient égalés le lien que t'as avec ton frère. Tu tiens tellement à lui. A croire que tu as vécu dans son ombre toute son enfance, prenant soin de lui, t'oubliant complètement à côté. Tant pis. Tant qu'il allait bien.

Tu es tombé amoureux deux fois. La première fois d'une fille. Une jolie rousse qui rougissait sous les compliments maladroits que tu pouvais lui faire. Elle était belle, elle était Feu. Tu t'es brûlé, te heurtant à ta propre crainte de te confier à quelqu'un. Elle s'est éloignée, te voyant hésitant. Elle n'a jamais cherché à comprendre ce qui pouvait te prendre. Pourtant tu l'aimais beaucoup. Chaque fois que tu la croisais, tu te mettais à sourire comme un idiot et tes phrases perdaient tout sens lorsqu'elles s'échappaient de tes lèvres. Et puis il y a eu ce mec. Cet étranger dont jamais t'as pus connaître le nom. Ce type qui s'amusait à te draguer de la plus belle manière qui soit, frôlant chaque recoins de ta peau de ses baisers volages et de ses mots doux. Tu le croisais souvent dans ton campus et il se faisait un plaisir de te souffler des compliments agrémentés de clin d'oeil. Vision peut-être trop idyllique et innocente de l'amour et pourtant, ton coeur s'était envolé pour ses deux personnes. Ton frère, ayant complètement pété les plombs à ce moment là, n'en a même pas conscience.