t'es beau t'es bien, comme un magazine de déco, comme une maison témoin. 'Sol elle n'a pas d'histoires dramatiques à raconter durant les soirées-dépressions. Pas de traumatismes d'enfances, de cadavres planqués dans les placards. Elle est née un treize juin à la maternité, comme n'importe quel gamin dont la vie commence sur de bonnes bases. Première gamine d'un couple de trentenaire bien rangés, dernière gamine aussi, stérilité. Elle n'a jamais manqué de rien 'Sol, et toute sa vie a été réglée comme du papier à musique. Elle a fait ses premiers pas au bon âge, a commencé à causer au bon âge, a été à l'école. Ses résultats n'étaient ni brillants ni dégueulasses, et tout le monde s'en contentait parce qu'elle pourrait avoir un avenir une fois que ses parents auraient rejoint la grand-mère au cimetière. Lorsqu'elle a eu 13ans toute la famille a déménagé à Burano, charmante petite île. Elle a râlé, la gamine. Elle ne voulait pas quitter sa petite école privée, les amis qu'elle s'était faits, son existence bien rangée. C'était comme un joli château de carte qu'on venait balayer du pied. C'est depuis ce déménagement que ses parents ont commencé à ne plus trop être là pour elle, leurs boulots respectifs nécessitaient le voyage quotidien vers les confins de Venise, l'achat de billets qui portaient de moins en moins souvent la mention '' retour ''. C'était pas l'abandon non plus, mais petit à petit la 'Sol a du apprendre à se gérer seule. Leçons un peu bancales. Pas toujours les bons choix, pas toujours les bonnes personnes. La drogue a fait son entrée dans sa vie un petit soir d'été, sur la plage. Elle a commencé à toucher un peu à tout, à faire des trucs pas recommandables avec des gens pas recommandables alors que ses parents avaient encore d'elle l'image de la gamine trop lisse qu'ils avaient ramené de Naples. Mais par-dessus tout, elle se sentait vivre.

Elle tire sur son joint et expire la fumée qui forme comme des petits signaux dans les airs. Elle est complètement cuite, 'Sol, ses joues sont roses et elle sait pas trop si c'est l'émotion ou l'alcool qui lui monte aux joues. Elle rit comme une débile, y'a rien de spécialement drôle pourtant, mais ses hoquets lui déchirent les côtes tandis qu'elle se roule limite par terre. 20ans. Putain elle est minable, 'Sol. Petite italienne de bonne famille, c'était pas sa destinée pourtant, de tourner à l'ecstasy et à l'héroïne, toujours besoin de quelques grammes dans le sang. Mais quand elle n'est pas en train de planer elle a du mal à se sentir vivante, maintenant. Il n'y a qu'auprès d'eux que ça va. Certains diront que c'est une gosse de riche qui a mal tourné, le pire c'est qu'ils n'auront pas tort, c'est précisément ce qu'elle est. 'Faut croire qu'on peut commencer bien et finir mal. Elle dépose un baiser sur les lèvres de Pablo avant de venir titiller celles de Soledad du bout de la langue. Elle s'en fout du reste, 'Sol. Du moment qu'elle vit auprès d'eux sa putain de belle histoire.

Pablo et Soledad, ça a été comme un ouragan, une putain de tempête qui a tout bouleversé dans sa tête. Ils étaient comme une évidence, c'est comme si elle n'avait jamais existé que pour les rencontrer. Elle a oublié comment elle avait pu vivre avant d'être à leurs côtés, ils font partie d'elle, elle en crèverait 'Sol si on venait à les lui enlever, elle en est sûre, organes vitaux. C'est malsain, un peu bizarre, mais putain elle ne pourrait rien faire sans eux, elle ne peut plus rien faire sans eux. Elle les place au-dessus de tout, au-dessus d'elle-même, au-dessus du monde entier. Alors même si ses parents ont décidé de s'établir définitivement à Venise, elle est restée à Burano. Elle prétend mener une vie qui les réjouit, faire des études, s'établir avec un bon petit rital, d'une bonne petite famille, elle leur dit qu'elle les rendra fiers, qu'elle sera la fille dont-ils ont toujours rêvé. Il n'y a qu'auprès d'eux qu'elle ne gueule pas la fierté qu'elle a de les avoir auprès d'elle. Car la vérité c'est qu'elle mène la vie parfaite 'Sol. Elle ne verrait pas son existence autrement. Elle s'en fou d'avoir du mal à rattacher les deux bouts, d'avoir des fins de mois qui ne font pas rêver. Du moment qu'ils sont là, elle ne se pose pas de questions. Et le pot de nutella, ils se l'enfilent à trois.