Si je résumais ma vie en un mot, je dirais que c'est tout le contraire d'une réussite. Alors que les gamins de mon âge jouaient aux petites voitures, j'étais contraint à aider ma mère en cuisine et à déblayer l'allée du garage. Mais bon, c'est ça quand on a passé toute son enfance dans les bas quartiers de Los Angeles, loin de la richesse et des lumières éblouissantes de la ville, tapi dans l'ombre et enseveli sous la pauvreté. Vous me direz, ces tâches quotidiennes sont à force devenues une habitude. Comme un éternel recommencement, mais qui pour moi quelque chose de tout à fait normal. Finalement, quand je regarde derrière moi, je me demande parfois si, au-delà de toutes ces corvées, j'ai eus l'enfance que je méritais. J'ai vécu toute ma vie dans une grande famille entre quatre pauvres murs, sans frère ni sœur mais avec cependant une multitude de cousins, oncles et tantes qu'aujourd'hui même, je ne saurais reconnaître. Mais bon, c'est comme cela depuis ma naissance et à dire vrai, j'ai prit l'habitude du nombre depuis des décennies en arrière. Il faut dire qu'étant le benjamin d'une immense famille, je ne peux qu'être habitué au fait de vivre entassés les uns sur les autres. Si on regarde bien, dans ma famille, il n'y a eu qu'une personne capable à tout moment de me redonner le sourire. Vous savez, c'est la même personne qui vous fait rire même quand vous lui faites la gueule. La même personne qui, rien qu'en voyant votre faible expression du visage, peut déterminer la raison de votre souffrance. Et bien pour moi, cette personne n'était autre que mon père. Il a toujours été comme un héros à mes yeux, un sauveur, quelqu'un que je n'ai cessé d'admirer. Mais mon père n'a pas tout le temps été présent pour moi.

Dévoué corps et âme dans sa lourde tâche de militaire, il dût partir en France et donc quitter sa famille, alors que je n'avais que dix ans. Il est très probable que mon caractère de cochon vienne de là, car c'est lors du départ de mon papa que je commençai à me renfermer sur moi-même. Toujours ronchon et sur la défensive, je développai une sorte de carapace, sensée me protéger du danger extérieur. Il faut dire que sans mon père, j'étais effondré. Il avait toujours été comme un pilier, une sorte de repère. Sans lui, je n'étais plus rien. Aussi, à ma majorité, n'ayant eu aucune nouvelle de lui depuis un moment, je décidai de quitter Los Angeles pour partir en France. Cherchant par tout les moyens à obtenir des renseignements sur mon père, je poursuivais jour et nuit mes recherches afin de le retrouver. Mais plus tard, j'appris que mon papa avait été tué dans un accident de voiture. Sans doute vous dites-vous que c'est la mort la plus banale qui puisse exister. Mais c'est de cette manière-là que mon père a rendu l'âme. Par la suite et ne sachant que faire, j'atterris sur cette étrange île intriguant. J'avais besoin d'oublier cet événement aussi tragique qu'il n'y paraît, même s'il est vrai qu'aujourd'hui, j'en veux encore au monde entier.