Tu te rappelles de ce jour-là. Humiliation entre toutes. Ce n'était pas la seule. Ça ne l'avait pas resté. Il t'avait encore planté le couteau au coeur. Encore une fois. Ton frère. Vous partagiez la même chair, mais pas les même valeurs. Lui souriait à ta douleur plus psychique que physique. Toi, tu essayais de sourire à la vie. Tu lui souriais parfois, mais il n'aimait pas ça. Tu continuais de l'aimer, pauvre idiote. Tu continuais d'espérer qu'il change. Seulement plus les années passèrent, plus tu désespérais. Pietro t'insultait, te poussait, t'interdisait de lui parler et de le toucher. Le rejet fut accepté, tu devins brisée. Même tes prières nocturnes n'arrivait pas à éteindre le feu de ta détresse. Qu'avais-tu bien lui faire ?
Hey, maria. Tu veux jouer au chat et à la souris avec nous ? Heureusement que tous les garçons n'étaient pas comme ton frère. Heureusement que Alessandro t'aimait et te protégeait. Tu hochais joyeusement la tête, les boucles ondulant dans ton dos.
Touché! Ahahaha, j'étais le chat, maintenant c'est toi. Le garçon s'enfuyait rapidement, un sourire béat sur ses lèvres. L'adrénaline se ressa dans tes veines et avec un rire malin, tu te mis à chasser toutes les souris à ta merci. Tu courais comme un félin. Pas de quartier. C'était un jeu, alors autant profiter du pouvoir qu'on t'accordait. Finalement, les rôles s'inversèrent lorsque tu t'élanças vers une camarade de classe. Vous étiez tous très excités. C'est fou ce qu'on peut accomplir à partir de rien. Tu t'enfuyais à ton tour. Tu ne sais pas comment c'est arrivé, mais tu sentis ta cheville se tordre et ton corps tomber. Le sol se rapprocha de plus en plus de ton visage. Tu dérapai. Abasourdie, tu restais par terre. Des ricanements fusèrent dans la cour de récréation. Tu rougis et te relevais. Pincement au coeur. Tristesse et dégoût embrassèrent ta poitrine.
T'as vu comment elle s'est ramassée ? Ça fait pitié. Pietro ricana de plus belle. Tu haussas les épaules, les larmes aux yeux et courus de plus belle, essayant de ne plus penser à ce petit incident. Mais la tentation était forte. Ton esprit de gamine essayait de comprendre.
Pourquoi ? Et comme d'habitude, tu échouais à répondre. L'innocence te tenait éloigné de la raison de cet acharnement.
Qui suis-je ? Je m'efforce d'y penser afin de résoudre ce mystère. C'est une ombre dont j'aimerai soulever le voile. Elle me tire le plus loin de mes plus profonds désirs. Elle joue avec mes doutes, mes incertitudes et mes peurs. Je n'ai aucune confiance en moi, ne serait-ce pour endosser un peu de responsabilité.
Est-ce vraiment le bureau ou celui d'à coté ? Des questionnements débiles qui me font perdre un temps précieux et une reconnaissance de mes collègues. J'ai obtenu ce stage easy. Mon père a passé un appel au conservateur du Palais des Doges et j'ai eu une place dans les bureaux de recherches. Tout le monde ne travaille pas ici grâce à un père puissant et riche. Certains ont bossé dur pour devenir chercheur, archéologue, restaurateur, etc. Je dois donc faire mes preuves, étant arrivée bien bas dans leur estime rien qu'à ma simple présence. Les premiers jours ont été difficiles, comblés de stress et de nouveautés.
Maria, il est temps de se rendre dans les ateliers. Je relève la tête des paperasses et laisse tout tomber. Les ateliers sont mon lieu préféré. Les travaux pratiques m'ont toujours plus séduites.
J'arrive monsieur. Je souris à mon cadre avant de lui coller les basques. Il est gentil mon cadre. Peut-être parce qu'on se voit tous les jours et qu'il a appris à me connaitre. Il sait que malgré mon statut de fille à papa, j'ai un caractère bien à part. Nous déambulons dans les couloirs du musée. J'aime être ici, apercevoir une foule effrayée devant l'Enfer de Boshe, cela signifie que l'art est toujours aussi important aux yeux de l'être humain. Ça me rassure.
Tu peux me tutoyer Maria, tu sais ? Marco ralentit et me fais un clin d'oeil. Évidemment, je ne peux m'empêcher de rougir des joues. Je soupire d'exaspération contre moi-même dans ma tête. Je me mords la joue et hoche la tête, sagement.
C'est pas comme si ça fait un peu plus de deux mois qu'on ne se connait pas. Il me sourit du coin des lèvres. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens fondre. J'ai un petit instant de fantasme.
Non mais réveille-toi crevette, c'est ton cadre! Je me reprends.
D'accord Marco. Ca fait bizarre, bien trop bizarre. Je fais la moue en continuant de le suivre.
Je vais avoir besoin de temps pour m'y habituer. Je marmonne dans ma barbe. Marco a entendu et étouffe un petit rire. On arrive enfin dans les ateliers. Il y a tous types de personnes ici. Les chercheurs qui donnent les ordres et puis les techniciens qui les aident. Je remarque tout de suite Matteo et Giulia. Je me méfie du premier et adore l'autre.
Salut la rousse. Oui, Matteo fait partie de ces blagueurs à la con. Je lève distinctement les yeux au ciel. Ce mec fait tout pour me rendre mal à l'aise. Heureusement que Giulia est là. Je m'approche de leur petit bijou à restaurer.
Ah mais... ça sent la beuh! Je fais des yeux ronds à Matteo. Il a l'air de comprendre mon désarroi et en rigole à cœur ouvert, la bouche fermé. Je ne comprends pas pourquoi il fume ça. Sérieusement, ça pue.
Salut. Salutation accompagnée d'un vague signe de la main. Je m'avance vers le tableau. Il s'agit d'une espèce de nymphe ou de déesse, vêtue de sa peau et de rien d'autre. Je ne l'ai jamais vu auparavant.
Il vient de Florence. On nous a demandé d'en prendre soin, c'est super non ? J'écoute et j'essaye de ne pas prêter attention à la présence physique de Mat'.
Une nue. Ça t'excite pas un peu Delavega ? Il l'a murmuré. Si seulement j'étais invisible... je n'aurais pas à subir ses remarques pittoresques. Je rougis et lève les yeux au ciel, une habitude lorsque je me retrouve en sa compagnie. Je décide de me taire. Que veux-tu que je réponde à ce genre de questions ?
Fait attention à ne pas mouiller le sol. Ce mec est un pervers. Je n'arrive même pas à être indifférente. Je rougis et lui s'amuse de la situation.
Tais-toi s'il te plait et dis-moi ce que je dois faire. C'est tout ce dont je suis capable. Ce n'est même pas un ordre, c'est une requête.