Depuis ma naissance, je vivais à Venise. Mes parents étaient plutôt présents et aimants. A l'âge de dix-huit ans, j'avais déjà un petit-ami depuis deux ans. Après l'accord de mes parents, je suis allée vivre avec lui. Il était quelque peu fêtard même s'il maintenait des notes appréciables au lycée. J'avais une certaine admiration pour lui. Il n'avait peur de rien, il était touche-à-tout et découvrait le monde à force d'erreurs. De mon côté, j'étais plutôt craintive et renfermée. Pas de quoi m'intégrer aisément parmi les gens de mon âge. Toutefois, le fréquenter m'avait permis de faire des connaissances. Des bonnes, comme des mauvaises...

Tu avais dit que tu m'aimais, que tu me protégerais envers et contre tout. Pourtant, tu n'as rien fait. Non. Quand tu l'as su, tu n'as pas cillé. Tu ne lui as même pas flanqué une raclée. Peut-être qu'il disait vrai après tout... Peut-être que tu lui as vraiment donné ta permission ! J'étais en colère tout comme dévastée. Deux jours avant, nous avions organisé une soirée chez nous. Les invités habituels avaient fait acte de présence. C'était l'occasion idéale pour me relaxer. Je faisais des petits boulots. Serveuse dans un café, vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter... De quoi payer un minimum de loyer. J'avais dit à mes parents que je prenais une année sabbatique mais j'avais juste "besoin" de vivre. Revenons-en à la soirée. Tout s'est bien passé. Enfin presque car je ne me rappelle que d'une partie. Je me suis réveillée nue dans un lit, le corps recouvert par un simple drap. Au sol, mes vêtements étaient arrachés et éparpillés sur le sol. C'est en regardant à côté de moi que les souvenirs me revinrent comme une gifle en pleine figure. J'avais été violée par un ami proche de mon copain. Était-ce ma faute ? Avais-je trop bu ? M'avait-il drogué, lui, l'accoutumé des substances illicites ? Je n'en savais rien mais il était clair que je n'étais pas consentante. Comment peux-tu croire une chose pareille ? Je n'en reviens pas que tu puisses imaginer que je l'ai autorisée à coucher avec toi. Certes, nous partageons tout lui et moi. Mais tu n'en fais pas partie. Ah oui. Et où est passé ta jalousie ? Ce n'est même plus de la jalousie que tu devrais ressentir. Tu devrais être fou de rage, avoir envie de lui casser la gueule... Tu aurais dû être là pour moi au lieu de me laisser pleurer dans mon coin, de ne pas me rassurer. Tu n'as pas tenu parole. Tu aurais dû garder un œil sur moi. Mes valises étant prêtes, je claquais la porte pour ne plus jamais remettre les pieds dans cet appartement. Mon violeur avait été appréhendé. Toutefois, je fis le choix d'aller faire mes études à Palerme en Sicile. Besoin d'air, de nouveaux horizons et de ne plus risquer de le croiser dans les rues de Venise.

J'avais choisi de faire des études de psychologie afin de venir en aide aux gens qui en avaient besoin. Parfois, ça faisait du bien de vider son sac à quelqu'un que l'on ne connaissait pas. Après le viol et le déménagement, j'avais choisi de participer à des sessions chez un psy. Cela s'était avérée être concluant. Je ne me sentais plus vraiment coupable. J'avais appris à passer au dessus. Les cauchemars me faisant revivre la scène n'existaient plus et je pouvais enfin passer des nuits paisibles, ce qui était un vrai soulagement. Six ans d'études à Palerme et j'ai choisi de venir m'installer sur une autre île, celle de Burano. Si je devais recroiser mon ex, je crois bien que je serais capable d'avoir une discussion sans vague avec lui. Il n'aurait rien pu changer, j'avais été violée et il ne l'avait su qu'après. Toutefois, j'aurais voulu qu'il m'épaule davantage et qu'il soit là pour moi comme il me l'avait tant promis. Aujourd'hui, j'exerce le métier de psychologue et j'ai plus souvent des patientes. Quand une femme victime de viol s'adresse à moi, je suis presque heureuse de pouvoir lui prodiguer les meilleurs conseils qui soient.