On ne s'attend jamais à ce genre d’événement. On a beau imaginer toutes les possibilités au monde, on pense qu'ils seront toujours là pour nous. Penser qu'une personne pourrait faire un tel acte serait une insulte à l'image que l'on pouvait avoir d'eux, et ainsi, on ne s'y prépare pas. Comment aurait-elle pu savoir ? Elle n'était qu'une enfant. Une enfant en passe de devenir une adulte, bien évidemment, mais encore jeune. « Je ne sais pas écoute, tu .. tu crois vraiment qu'il me trouve jolie ? Qu'est-ce que je suis en train de te demander, ne me réponds pas ! … Non, je n'irai pas lui parler, tu es folle ! Quoi ? … Arrête, oh mon dieu s'il te plaît arrête ! » Un rire s'échappa de sa bouche, comme à chaque fois qu'elle discutait au téléphone avec sa meilleure amie, en rentrant du collège. Elles venaient juste de se quitter et déjà elles s'entretenaient à nouveau, une génération où chacun était dépendant d'une possibilité de communication constante. Skye s'approchait peu à peu de la maison londonienne où elle habitait avec ses parents et sa petite sœur, Elle ne remarqua la voiture de police, l'ambulance, les nombreux voisins sortis pour voir ce qui se passait dans la résidence Pearson. Elle avait le regard rivé au sol, essayant de ne pas trébucher sur un caillou, sa maladresse la perdant toujours. Quand elle releva la tête, le téléphone quitta son oreille. « Skye ? Skye tu es là ? Allo ? Arrête de m'ignorer, c'est pas marrant ! » aurait-on pu entendre dans le combiné. Ses pas s'accélérèrent et elle se précipita jusqu'à l'entrée, quand un homme âgé vint mettre un bras devant elle pour l'arrêter. « Désolé petite, tu ne peux pas entrer .. » « Je suis Skye ! C'est chez moi ! » Soudain, le regard de l'homme changea. Elle y lut de la pitié, et la peur s'empara d'elle. « Dites moi ce qui se passe ! » Elle aperçut sa mère en haut des marches, discutant avec un policier. Les larmes se frayèrent un passage jusqu'à ses yeux, et elle cria pour attirer son attention. Sa génitrice semblait sur le point de s'écrouler de tristesse, et nulle part, il n'y avait signe de son père. Sa petite sœur était assise à l'arrière d'un camion de pompier avec une couverture sur les épaules, elle parlait avec un inconnu qui semblait la réconforter. « Maman ! Maman, s'il te plait ! » Elle sembla enfin la remarquer, et se précipita vers elle pour la prendre dans ses bras. La chaleur de son corps rassura un peu Skye, et elle s'empressa de lui demander. « Où est papa ? Qu'est-ce qui se passe ? Il y a le feu à la maison ? » Sa mère redoubla de sanglots. Elle n'arrivait pas à parler et après un moment à la regarder pleurer sans savoir quoi faire, elle fut menée à part par un autre inconnu. Elle ne savait pas qui c'était, et franchement, elle s'en fichait. Elle voulait juste savoir pourquoi personne ne lui disait rien, et ce qui était arrivé de si grave. « C'est ton père, il .. » Et commença un long monologue. Durant lequel elle se sentit partir petit à petit.

Le visage enfoncé dans son oreiller, Skye était presque en train d'étouffer. Mais elle appuyait la tête, pour que les sanglots ne puissent s'entendre à travers le mur en papier qui séparait sa chambre de celle de sa mère. Elle n'en pouvait plus. À chaque fois qu'elle laissait ses pensées voguer, son père revenait à son esprit. Elle ne comprenait pas pourquoi il avait décidé de la quitter, de quitter sa femme, et sa deuxième fille. Comment personne ne pouvait s'être aperçu de sa dépression, et comment il avait pris la décision de mettre fin à sa vie. Personne ne méritait de subir la perte d'un parent. Il semblait que Skye avait été la plus touchée par cette perte, plusieurs années après, elle continuait à afficher un air maussade à toutes périodes et ne se laissait plus vivre. Petit à petit, sa mère et sa sœur avaient repris leurs habitudes, même si elle savait bien que toutes deux pensaient encore beaucoup à lui. Mais elle n'y arrivait juste pas. Encore une fois, elle avait senti l'émotion la submerger. Elle n'entendit pas la porte de sa chambre s'ouvrir et continua de sangloter. « Ma chérie .. » Elle serra sa main sur le tissu et se releva, dos à sa mère. Skye sécha ses larmes rapidement et se força à sourire, même si personne ne la voyait. « O.. oui maman ? » Elle entendit un soupir, et la sentit s'approcher. Elle vint s'asseoir à côté d'elle et passa un bras autour de ses épaules. « Tu sais que tu peux venir me voir, me parler, ou juste me faire un câlin lorsque tu ne te sens pas bien .. » Skye baissa les yeux. Elle avait du mal à venir chercher l'aide d'autres, car elle ne voulait pas leur infliger sa mauvaise compagnie. « Skye, il faut que je te parle, c'est important .. » Elle caressa ses cheveux, et un sourire plus franc se fraya un passage sur son visage. « Tu ne peux pas te laisser engloutir par ce qui nous est arrivé .. Tu connais ton père, c'était un homme exceptionnel et tu sais autant que moi qu'il ne voudrait pas que tu pleures chaque jour pour lui .. » « Il est parti, maman. On ne le verra plus jamais, je ne peux pas ne pas y penser ! Et je me dis que, j'aurais pu voir quelque chose, j'aurais pu empêcher tout ça d'arriver .. » « Tu n'aurais pas pu, ma chérie. Personne ne t'en veut, et je suis sûre que ton père, là où il est, ne veut que ton bonheur. Il veut que tu vives, que tu souries et que tu profites de tout ce que font les ados de ton âge .. Il veut que tu aimes, que tu t'amuses, et bien sûr que tu aies des bonnes notes pour intégrer une bonne université .. » Cette dernière remarque la fit rire légèrement, malgré les larmes qui continuaient à couler sur ses joues. « Tu ne dois pas te laisser abattre. Pense à ton père et aux jours qu'il aurait pu vivre, prends ça et considère que tu dois profiter deux fois plus de la vie que tu as. Amuse toi pour lui. Vis pour lui. Pense à tous les bons moments que nous avons passé ensemble et ne te focalise pas sur la fin. Je ne le veux pas. Il ne le veut pas. Et je sais qu'au fond de toi, tu sais que j'ai raison. »

Elle avait presque fini. Faire tous ces cartons était épuisant, surtout à cause de tous ses accessoires de magie. Elle faisait partie de ces personnes qui utilisaient bien trop d'objets bizarres pour faire leurs tours, et la plupart du temps, ça plaisait. Seulement, elle ne voulait plus rester sur la scène de Londres, il était temps de déménager à un endroit un peu plus original et arrêter de boire du thé et des scones. « Tu m'expliques ce que tu es en train de faire ? » Un sursaut, Skye se retourna en pensant qu'elle allait se faire tuer par un inconnu en cagoule avec une tronçonneuse à la main. Mais non, ce n'était que sa sœur. « Je fais mes cartons, euh, tu m'expliques comment tu es rentrée chez moi ? » « La porte était ouverte banane. Quels CARTONS ? » Skye se gratta la tête, et se rappela soudain qu'elle n'avait pas dit à sa sœurette qu'elle déménageait en dehors du pays. Ah oui. Elle aurait peut-être dû y penser. « Je déménage à l'île de Burano ! Une occasion pour moi de refaire mon nom de magicienne et d'emmener mes tours à un endroit où je suis sûre, ils n'ont jamais rien vu d'aussi exceptionnel que mon spectacle .. » Son sourire s'agrandit, mais sa sœur ne semblait pas aussi excitée. « Tu es sérieuse ? Tu es en train de me dire que tu vas te barrer dans un autre pays en me laissant ici toute seule avec maman ? » « Ne le prends pas comme ça, j'en ai juste marre de Londres, et j'ai pris cette opportunité, tu aurais fait la même chose à ma place .. » « Non, je ne l'aurais pas fait ! Car moi, je porte de l'importance à cette famille et je ne veux pas laisser notre mère seule alors qu'elle a du mal à s'occuper d'elle même. Tu es égoïste, tu l'as toujours été ! » Skye se tendit. « Je fais ce que je veux, je dois penser à moi, ce n'est pas une mauvaise chose, je me suis toujours occupée de maman et ne dis pas le contraire .. C'est une chose que je veux faire pour être heureuse, pourquoi est-ce que tu ne peux pas me soutenir ? » Elle poussa un soupir. « Oui, vas y, barre toi. Ça sera mieux pour tout le monde après tout, de ne plus avoir la Skye folle et insouciante dans les parages. Tout le monde n'est pas gentil, le monde n'est pas fait d'arc-en-ciel et de papillons comme tu sembles le penser. Je suis sûre que tu seras déçue à ton île et que tu viendras la queue entre les jambes pour revenir à Londres. Et je te dirai que je t'avais prévenue. »

Elle ne savait même pas ce qui l'avait menée dans ce café, elle qui devait s'entraîner pour son spectacle en ville qui se passait le soir suivant. Peut-être que le destin l'avait poussée à rentrer dans l'établissement et à regarder par dessus l'épaule d'un charmant garçon qui était assis tout seul. Un sourire aux lèvres, elle avait repéré le site sur lequel il semblait surfer et avait posé une main sur son épaule. « Ne t'inquiète pas, je ne suis pas une tueuse déguisée, quoi que, on ne sait jamais avec les inconnus, non ? » Elle se mordit la lèvre. « Je me présente, Skye, ou l'époustouflante magicienne, tu dois me connaître, non ? Il y a une affiche pour mon spectacle là bas » dit-elle en pointant le bout de papier à moitié déchiré sur le panneau en liège. « Toi, tu as l'air d'avoir un problème. Heureusement, moi, j'ai la solution. J'ai une chambre de libre et tu sembles avoir besoin d'un lit où faire tes petites affaires, dormir ou te donner du plaisir, honnêtement, je ne te poserai pas de questions si tu acceptes. Du moment que tu paies le loyer ! » Elle tira une chaise et s'assit à côté de lui. « Moi ? Je suis la meilleure colocataire que tu puisses espérer avoir. Je fais la cuisine, je prends le courrier, je ne dépasse jamais de plus de dix jours la date limite des factures ce qui je crois nous empêche de ne plus avoir d'électricité. Bon ça se voit, je suis aussi une très belle vue quand je sors de la douche, ce n'est pas négligeable non ? Je suis gentille, du moment que tu ne dépasses pas les bornes. Ne te sers pas de l'appartement pour vendre de la drogue ou encore rassembler les membres de la mafia à laquelle tu appartiens. Tu peux faire tout ce que tu veux en dehors, du moment que tu ramènes rien à la maison. Ah ! Et je veux du sens de l'humour, j'en ai plein, tu ne passeras pas une minute sans sourire en ma présence. À toi maintenant. » Et c'est comme ça qu'elle trouva son super colocataire, avec qui elle se dispute à présent la moitié du temps. Peut-être aurait-elle dû être un peu plus exigeante sur les critères.